XVIII Baise m'encor, rebaise moy et baise : Las, te pleins tu ? ça que ce mal j'apaise, Lors double vie à chacun en suivra. Tousjours suis mal, vivant discrettement,
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18 Embrasse-moi, embrasse-moi encore et encore : Las, te plains-tu ? Viens, que j'apaise ce mal Alors chacun de nous aura une double vie. je suis toujours mal, car je vis repliée sur moi,
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Ce poème est le second de la page 120 (numérotée par erreur 110) des Oeuvres
de 1555.
Versification
Comment ne pas entendre ici l'écho du poème V de Catulle ? Vivons, ma Lesbie, pour nous aimer,Mais on peut penser également au Cantique des Cantiques : « Qu'il me baise des baisers de sa bouche ! » (I, 2) Vers 1 : Contrairement à ce qui est dit dans nombre d'éditions, le verbe « baiser » peut avoir le sens de « faire l'amour » dans la langue du XVIe siècle. Mais ici il désigne moins l'étreinte amoureuse que le baiser, avec un jeu de mots sous-jacent entre le nom de plume de Louise, Labé, et le latin « labia », lèvre. Le titre d'un poème latin d'hommage à la Belle Cordière fait affleurer ce jeu de mots : « De Aloysæ Labææ osculis » (Les Baisers de Louise Labé). Pour la thématique des lèvres, voir les sonnets VI et XIII. Vers 4 & 6 : « Quatre » (au quatrième vers), plus « dix », cela fait quatorze baisers, soit exatement le nombre de vers d'un sonnet ; aimer et écrire sont équivalents ; « le plus grand plaisir qui soit apres amour, c'est d'en parler », disait Apollon dans le Débat de Folie et d'Amour. Vers 12 : « Discrettement » peut se traduire aussi par « avec retenue ». Vers 14 : Puisque les amants ne font qu'un, l'une ne peut se séparer de l'autre qu'en se séparant d'elle-même. On retrouve ici le thème pétrarquiste de l'amour qui a pouvoir d'« étranger » (rendre étranger à soi ; faire sortir de soi. Voir aussi le sonnet XVII.). Mais Louise détourne cette idée, puisque, alors que chez Pétrarque l'âme amoureuse ne vit qu'en l'autre, chez elle, chacun vit en l'aimé ET en soi (vers 10). Comme souvent, elle ne récuse pas totalement les thèmes pétrarquistes, mais elle joue avec, passant souvent à la limite d'autre chose, qui est l'expression pure de la passion. Vers 14 : La « saillie » est la sortie. Mais le mot présente deux autres sens à la Renaissance : dans le contexte militaire, « faire saillie », c'est effectuer une sortie très violente pour briser un encerclement ; de plus le sens d'accouplement animal est déjà attesté, mais guère pertinent ici. |