sonnets

 

 

XIX

Diane estant en l'espesseur d'un bois,
Apres avoir mainte beste assenee,
Prenoit le frais, de Nynfes couronnee.
J'allois resvant comme fay maintefois,

Sans y penser : quand j'ouy une vois,
Qui m'apela, disant, Nynfe estonnee,
Que ne t'es tu vers Diane tournee ?
Et me voyant sans arc et sans carquois,

Qu'as tu trouvé, o compagne, en ta voye,
Qui de ton arc et flesches ait fait proye ?
Je m'animay, respons je, à un passant,

Et lui getay en vain toutes mes flesches
Et l'arc apres : mais lui les ramassant
Et les tirant me fit cent et cent bresches.

 

19

Diane étant dans la profondeur d'un bois,
après avoir abattu de nombreuses bête,s
prenait le frais, entourée de Nymphes.
J'allais rêvant comme je fais souvent,

sans y penser : quand j'entendis une voix,
qui m'appela, disant : « Nymphe effarouchée,
pourquoi ne t'es-tu pas tournée vers Diane ? »
Et me voyant sans arc et sans carquois,

« Qui as-tu trouvé, ô compagne, sur ton chemin,
qui t'ait volé ton arc et tes flèches ?
- Je me suis attaquée, lui dis-je, à un passant,

et je lui ai tiré en vain toutes mes flèches
et l'arc après : mais lui les ramassant
et les tirant, me fit cent et cent plaies. »

 

Ce poème est le premier de la page 121 des Oeuvres de 1555.

Versification
  • abba-abba-ccd-ede
  • Décasyllabes
  • Rimes masculines : a, d
  • Rimes riches : d
Vers 1 : Diane est la déesse de la lune et de la chasse, vierge et farouche. Se tourner vers elle, c'est renoncer à l'amour.

Vers 3 : Les Nymphes sont, dans la mythologie gréco-romaine, des divinités inférieures vivant dans la nature.

Vers 14 : Me fit des centaines de blessures (au coeur). L'arc est en même temps celui de Diane, la chasseresse, et celui de l'Amour.