VI

Deus ou trois fois bienheureus le retour
De ce cler Astre, et plus heureus encore
Ce que son oeil de regarder honore.
Que celle là recevroit un bon jour,

Qu'elle pourroit se vanter d'un bon tour
Qui baiseroit le plus beau don de Flore,
Le mieus sentant que jamais vid Aurore,
Et y feroit sur ses levres sejour :

C'est moy seule qui ce bien est du,
Pour tant de pleurs et tant de tems perdu :
Mais le voyant, tant lui feray de feste,

Tant emploiray de mes yeus le pouvoir,
Pour dessus lui plus de credit avoir,
Qu'en peu de tems feray grande conqueste.

 

6

Deux ou trois fois bienheureux le retour
de ce clair astre, et plus heureux encore
ce que son oeil honore de son regard
Qu'elle recevrait un bon jour,

qu'elle pourrait se vanter de cette action,
celle qui baiserait le plus beau don de Flore,
le plus odorant de ceux que vit l'Aurore
et demeurerait sur ses lèvres !

C'est moi seule à qui ce bien est dû,
pour tant de pleurs et tant de temps perdus ;
mais, si je le vois, je lui ferai une telle fête,

j'emploierai tellement le pouvoir de mes yeux,
pour gagner sa confiance,
que je ferai en peu de temps une grande conquête.

 

Ce poème est le second de la page 114 des Oeuvres de 1555.

Versification
  • abba-abba-ccd-eed
  • Décasyllabes
  • Rimes masculines : a,c,d
  • Rimes riches : e
  • Rimes c : [edy/e(R)dy]
Vers 6 : Le « don de Flore » est la rose, à laquelle sont comparées les lèvres de l'amant.