Antoine Héroët (1492?-1568)

 

Ami de tous les humanistes de son temps, en particulier de Marot, et précurseur de la Pléiade, ce poète néoplatonicien, fut célèbre pour son livre La Parfaicte Amye.

Un colloque Antoine Héroët se tiendra dans l'ancienne abbaye de Cercanceaux les 26 et 27 septembre 2003 (au sud de Nemours, à une centaine de kilomètres de Paris). Les roganisateurs nous ont transmis

 

Carries

Buste imaginaire de Louise Labé
par Jean Carries

Femme, qui est aymée, et amoureuse,
Onques ne fut laide, ou malicieuse.
Il est bien vray que quelqu'une, à tout prendre,
Ayant vouloir la proportion rendre,
De la façon, et couleur de ses traicts,
N'aura aux yeux si dangereux attraicts,
Le taint si cler, bouche si bien riante,
Qu'auroit une autre en beauté excellente.
Amour n'est pas enchanteur si divers,
Que les yeux noirs face devenir verds,
Qu'un brun obscur en blancheur clère tourne,
Ou qu'un traict gros du visage destourne :
Mais s'il se trouve assis en coeur gentil,
Si pénétrant est son feu, et subtil,
Qu'il rend le corps de femme transparent,
Et se présente au visage apparent
Je ne sçay quoy, qu'on ne peult exprimer,
Qui se faict plus, que les beautés aymer.
De bien vouloir de conscience haulte,
De n'avoir point à l'amy faict de faulte :
Un aise soit en la face luysant
A un chascun, qui la voit, si plaisant,
Que par la grâce en grand nombre advisée
Est la laideur, non veue, ou excusée.
A ceste cy, qu'amour ayt embellie,
Si comparons une beauté polie,
Ou rien n'avoit la Nature oublié
Qui n'ha le coeur d'autre chose lié,
Que d'une gloire ayant faict entreprinse
Prendre chascun, et n'estre jamais prinse :
Vous trouverez l'une tant savorée,
L'autre tant fade, et si peu desirée,
Que jugerez, et je vous en asseure,
Qu'amour peult plus en beauté, que Nature.
Ne cherchez point les unguens, ny les eaux,
Pour maintenir voz visages tant beaux.
Aymez, après asseurément pensez,
Que de beauté les autres avancez.
Qui n'ayme point, ne sçauroit estre belle :
Qui aime bien, pour le moins devient telle,
Qu'on ne la peult tenir pour ignorante,
Et du péché de laideur est exempte :
Qui sont deux maux à éviter, et craindre.
Je veux bien plus entreprendre, et attaindre,
Prouvant, que qui à aymer se dédie,
Ne sent jamais fièvre ne maladie.
Les maux du corps, comme l'on dict, mes Dames,
Viennent en nous, et procèdent des Ames.
L'âme, qui est malade, et affligée,
Faict que la chair, qui luy est obligée,
Incontinent se sente du tourment.
Mais un Amant, qui ha l'entendement
Tranquille, pur, et d'amours contenté,
Ne donne au corps que tout heur, et santé.

La Parfaicte Amye, livre III