L'humanisme renaissant

 

On nomme « Humanisme » un mouvement culturel né en Italie au XVe siècle, mais qui se définit plus particulièrement en Allemagne (invention de l'imprimerie) et dans les Flandres (Érasme, 1469-1536). Ayant pleine confiance en les capacités des individus à construire l'avenir, ce courant s'appuie pour préparer celui-ci, sur une connaissance renouvelée des grands textes de l'Antiquité.

Érasme

Portrait d'Érasme par Hans Holbein

Je veux que notre courtisan soit plus que médiocrement instruit dans les Lettres, au moins dans celles qu'on appelle les Belles Lettres ; et qu'il sache non seulement la langue latine, mais aussi la grecque, à cause de la multitude et de la variété des divins écrits qui sont dans cette langue ; qu'il soit versé dans les poètes, et parallèlement dans les auteurs et historiens, et, de plus, exercé à écrire en vers et en prose, principalement dans notre langue vulgaire ; car outre la satisfaction qu'il y trouvera de lui-même, il en manquera jamais de propos agréables avec les dames, lesquelles habituellement aiment cette sorte de chose.

Balthasar Castiglione, Le Courtisan (1518)

Il faut être de pierre ou frappé de léthargie pour ne pas se complaire dans une santé parfaite, pour ne pas y trouver du charme. Or ce charme, cette complaisance, qu'est-ce d'autre que le plaisir ? [...] Le souper des Utopiens ne se passe jamais sans musique et sans un dessert copieux et gourmand. Les parfums, les essences les plus odorantes, rien n'est épargné pour le bien-être et pour la jouissance des convives. Peut-être fera-t-on pour cela reproche aux Utopiens d'un groupe excessif au plaisir ? Ils ont pour principe que le plaisir qui n'engendre aucun mal est parfaitement légitime.

Thomas More, L'Utopie (1516)

Le tyran administre son État par la violence, par la ruse et par les moyens les plus perfides : il n'a en vue que son intérêt particulier. Le vrai roi s'inspire de la sagesse, de la raison, de la bienfaisance, il en pense qu'au bien de l'État. Le tyran agit de son mieux pour que les biens de son peuple passent entre les mains d'un petit nombre de privilégiés, qui sont habituellement les plus vils sujets de son État, afin d'établir de cette manière le pouvoir de son peuple. Le bon roi pense au contraire que la richesse des citoyens est seule de nature à assurer sa propre richesse. Le premier fait en sorte de tout maintenir sous sa dépendance autant par les lois que par les délations.

Le bon roi trouve toujours du charme dans la liberté des citoyens. L'un a pour la conservation de sa personne des gardes de mercenaires et de brigands ; l'autre pense que sa bienveillance envers les citoyens et ce même sentiment à son égard chez ses sujets suffisent à sa sauvegarde.

Érasme, L'Institution du Prince chrétien (1515)

Les Utopiens mettent au nombre de leurs institutions les plus anciennes celle qui prescrit de ne faire tort à personne pour sa religion. Utopus, à l'époque de la fondation de l'empire, avait appris qu'avant son arrivée les indigènes étaient en guerre perpétuelle pour des questions religieuses. Il avait aussi remarqué que cette situation lui avait grandement facilité la conquête du pays, parce que les sectes dissidentes, au lieu de s'unir toutes ensemble, combattaient chacune de leur côté. Dès qu'il fut victorieux et maître, il se hâta de décréter la liberté de religion.

Thomas More, L'Utopie (1516)

Quand on m'aura ou bruslé ou pendu,
Mis sur la roue, et en cartiers fendu,
Qu'en sera-t-il ? Ce sera ung corps mort.
Las ! toutesfois n'auroit-on nul remord
De faire ainsi mourir cruellement
Ung qui en rien n'a forfait nullement ?
Un homme est-il de valeur si petite ?
Est-ce une mouche ? Ou ung verms, qui mérite
Sans nul esgard si tost estre destruict ?
Ung homme est-il si tost fait et instruict,
Si tost muny de science et vertu,
Pour estre ainsi qu'une paille ou festu,
Anihilé ? fait-on si peu de compte
D'un noble esprit qui mainct aultre surmonte ?

Étienne Dolet, Second Enfer