XXI
Quelle grandeur rend l'homme venerable ?
Quelle grosseur ? quel poil ? quelle couleur ?
Qui est des yeus le plus emmieleur ?
Qui fait plus tot une playe incurable ?
Quel chant est plus à l'homme convenable ?
Qui plus penetre en chantant sa douleur ?
Qui un dous lut fait encore meilleur ?
Quel naturel est le plus amiable ?
Je ne voudrois le dire assurément,
Ayant Amour forcé mon jugement :
Mais je say bien et de tant je m'assure,
Que tout le beau que l'on pourroit choisir,
Et que tout l'art qui ayde la Nature,
Ne me sauroient acroitre mon desir.
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Quelle grandeur rend l'homme vénérable ?
Quelle grosseur ? quel poil ? quelle couleur ?
Qui a les yeux les plus charmeurs ?
Qui fait plus rapidement une plaie incurable ?
Quel chant convient le mieux est à l'homme ?
Qui pénètre plus en chantant sa douleur ?
Qui rend un doux luth encore meilleur ?
Quel naturel est le plus aimable ?
Je ne voudrais le dire assurément,
car Amour a faussé mon jugement :
mais je sais bien, et de cela je suis sûre,
que tout le beau que l'on pourrait choisir,
et que tout l'art qui aide la Nature,
ne sauraient accroître mon désir.
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Ce poème est le premier de la page 122 des Oeuvres de 1555.
Versification
- abba-abba-ccd-ede
- Décasyllabes
- Rimes masculines : b, c, e
- Rimes riches : a
Ce poème est considéré comme le plus original de Louise Labé, car « aucun commentateur n'a
trouvé de source, directe ou indirecte, pour ce sonnet. » (Enzo Giudici)
Vers 2 : Le poil désigne les cheveux et la barbe.
Vers 3 : Des regards en même temps doux comme le miel, séduisants et flatteurs.
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