sonnets

 

 

XXII

Luisant Soleil, que tu es bien heureus,
De voir toujours de t'Amie la face :
Et toy, sa soeur, qu'Endimion embrasse,
Tant te repais de miel amoureus.

Mars voit Venus : Mercure aventureus
De Ciel en Ciel, de lieu en lieu se glasse :
Et Jupiter remarque en mainte place
Ses premiers ans plus gays et chaleureus.

Voilà du Ciel la puissante harmonie,
Qui les esprits divins ensemble lie :
Mais s'ils avoient ce qu'ils ayment lointein,

Leur harmonie et ordre irrevocable
Se tourneroit en erreur variable,
Et comme moy travailleroient en vain.

 

22

Luisant Soleil, que tu es bien heureux,
de voir toujours le visage de ton Amie :
et toi de même, sa soeur, qu'Endymion embrasse,
tant tu savoures de miel amoureux !

Mars voit Vénus : Mercure aventureux
de Ciel en Ciel, de lieu en lieu se glisse :
et Jupiter remarque en de nombreux endroits
ses premières années plus gaies et chaleureuses.

Voilà du Ciel la puissante harmonie,
qui lie ensemble les esprits divins :
mais si ce qu'ils aimaient était loin d'eux,

leur harmonie et leur ordre irrévocable
se changerait en errance sans logique,
et comme moi ils se tortureraient en vain.

 

Ce poème est le second de la page 122 des Oeuvres de 1555.

Versification
  • abba-abba-ccd-eed
  • Décasyllabes
  • Rimes masculines : a, d
  • Rimes pauvres : d
Louise s'attaque ici à la théorie néoplatonicienne de l'harmonie de l'univers. Cette dernière n'est pas à l'épreuve des sentiments.

Vers 1-2 : Le soleil est Apollon. S'Amie est Clytie, qui se changea en héliotrope pour l'aimer en échappant à son désir.

Vers 3 : le berger Endymion est aimé par la lune, Séléné, soeur d'Hélios, le soleil ; celle-ci obtint pour son amant le sommeil éternel afin de pouvoir le visiter chaque nuit.

Vers 4 : « Miel » compte pour deux syllabes

Vers 5 : Mars est l'amant de Vénus.

Vers 5-6 : Mercure est le messager des Dieux.

Vers 8 : Il s'agit peut-être de la chaleur des premières amours. Jupiter s'en souvient sans doute en regardant ses descendants, qui sont souvent des constellations (les Dioscures, par exemple).

vers 11  Karine Berriot traduit au contraire : « mais s'ils possédaient ce qu'ils aiment de loin. », ce qui nous semble un contresens.

Vers 12 : « L' harmonie des sphères ».