1.0 Multiplicité des raccords

S'il ne peut, à l'évidence, exister qu'une seule transition entre deux plans, les raccords peuvent, eux, être multiples. Mais l'un d'eux est toujours dominant.

Par exemple, entre chacun des plans qui constituent la séquence précédente extraite de 2046 de Wong Kar-wai, on note plusieurs types de raccords :

• objet : la cloison entre les deux chambres, visible dans tous les plans, même si ce n'est pas toujours du même côté
• mouvement : celui de la cloison
• son :
  • celui du lit contre la cloison
  • les gémissements et les cris rythmiques du couple en train de faire l'amour

Un raccord domine : l'objet. En effet le mouvement, et en grande partie le son, sont en rapport avec lui. Par ailleurs, cette paroi est un élément important dans le film puisqu'elle sépare le narrateur, qui habite dans la 2047, et les femmes qu'il va côtoyer, toujours en rapport avec la 2046. Plus précisément, dans ses rapports avec Bai Ling (la femme qui se lève et proteste), la cloison est un enjeu essentiel : elle va tomber amoureuse de lui, mais ils ne se verront que dans sa chambre à elle, la 2046. Elle finira pourtant par passer une nuit avec lui dans la 2047, mais cette nuit sera également celle de la rupture. Elle n'ira qu'une fois, et cela marquera son échec définitif.

De la même manière, au début de Citizen Kane d'Orson Welles, le raccord se fait sur la fenêtre éclairée, c'est donc en même temps un raccord lumière (le point lumineux), un raccord objet (la fenêtre), éléments auxquels il faut ajouter que le point se trouve toujours, quels que soient la distance et l'angle, toujours au même endroit dans le champ, même quand le château est vu en reflet dans le plan d'eau. C'est ce dernier fait, particulièrement original, la position de la portion lumineuse de l'espace, qui domine.

D'une manière générale donc, pour que deux plans soient raccord, il faut

• qu'il y ait plusieurs raccords. Un seul ne suffit pas.
• que l'un d'eux soit dominant. Nommer un raccord revient à désigner celui qui domine.