La Grande Rebeyne, documents

 

Dans le patois lyonnais, rebeyne veut dire émeute. La Grande Rebeyne de 1529 fut provoquée par la cherté excessive du blé, alors que les impositions étaient particulièrement lourdes. Du 17 au 27 avril, la foule pilla le grenier municipal et les riches demeures de l'Isle-Barbe.

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Affiche apposée par les émeutiers

L'en fait assavoir à toutes gens de la commune de la ville de Lyon,

Premièrement à tous ceux qui ont désir de soustenir le bien public, pour répugner la malice et fureurs des faux usuriers, plaise vous à avoir regard comme le détriment du blé nous tombe sus sans l'avoir mérité, à cause de leurs greniers pleins de blé, lesquels ils veulent vendre à leur dernier mot, ce que n'est de raison ;et si Dieu n'y met la main, il faudra en jeter en l'eau tant y en a, et ainsi, vu la grâce Dieu et la bonne disposition du temps et qu'il ne se fait nuls amas de blé pour la guerre, et en outre que justice favorise avec gens gouverneurs et conseillers, usuriers et larrons, y mettre ordre ; feignant user dignité, ils nous rongent de jour en jour, comme par vérité le voyez devant vos yeux advenir la cherté dudit blé et autres denrées, qui est chose vile et infâme ; par quoi à l'exemple des autres bonnes villes, que toute la commune soit délibérée y mettre bon ordre, telle que l'en fait au blé avant qu'on l'ôte de la paille, c'est qu'on le bat et escoux ; il nous faut faire ainsi à ces maudits usuriers et à ceux qui ont greniers et enchérissent le blé. Sachez que nous sommes de quatre à cinq cents hommes, que nous sommes alliés; faisons savoir à tous les dessus-dits qu'ils aient à se trouver dimanche, après-midi, aux Cordeliers, pour donner conseil avec nous d'y mettre ordre et police, et ce sans faute, pour l'utilité et profit de pauvre commune de cette ville de Lyon et de moi.

Le Povre

Archives municipales. Cité in Histoire du Lyonnais par les textes,p. 69-70

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Cette année mil cinq cent vingt et neuf, le blé a été du prix assez hautain,le bichet du prix de vingt-cinq sols, combien que de notre temps, il ait été plus cher de quinze sols pour bichet, du temps du roi Louis onzième, environ l'an 1481 ; et encore depuis environ l'an mil cinq cent et quatre, se vendait le blé vingt-six sols et si mourait le peuple de faim par les rues. Et nonobstant icelle famine, le peuple de Lyon était paisible, sans murmuration aucune. Mais, depuis la venue de cette fausse secte, nouvellement non trouvée, mais renouvelée de ces maudits Vaudois et Chaignarts venant de Septentrion, unde omne malum et inquitas le peuple a pris une élévation et malice en lui, qui ne veut être corrigée ni de maître, ni de seigneur, ni de prince, si ce n'est par force. Et les serviteurs veulent être aussi bien traités que les maîtres ;et au lieu que de notre temps les serviteurs étaient humbles aux maîtres et étaient sobres, et boutaient force eau au vin, et les vignerons se contentaient du breuvage qui est aux vendanges, fait avec de l'eau mise dedans le marc après que le vin est tiré de dessus ledit marc. Mais, de présent, veulent boire du meilleur vin, comme les maîtres, sans eau ni mixtion aucune, qui est chose contre toute raison, car Dieu veut qu'il y ait différence entre le maître et le serviteur, et le commande Saint-Pierre l'apôtre en son épître : être obéissant à son maître et croire son commandement, autrement le monde serait sans ordre, et les biens de terre demeureraient sans cultiver et sans labourer ...

Symphorien CHAMPIER, L'Antiquité de la cité de Lyon, ensemble la rebeine ou rebellion du populaire contre les conseilleurs de la cité en 1529..., nouvelle édition, Lyon, 1884. Cité in Histoire du Lyonnais par les textes, p. 69

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