1.1.2 Le champ-contrechamp

Entre les deux plans, l'axe s'inverse. C'est le raccord typique des dialogues.

Alain Resnais, Mon Oncle d'Amérique

Une règle organise ce type de raccord, celle des 180° : soit la eye line, la ligne qui relie les yeux des deux protagonistes, la caméra doit toujours rester du même côté, de manière à ce que chacun des personnages reste toujours du même côté du champ. Certains cinéastes jouent avec cette règle, comme Ozu, Eugene Green. Ci-dessous un exemple pittoresque tiré de La Marie du port de Marcel Carné.

D'autres la transgressent, comme Wong Kar-wai, par exemple dans cette scène de 2046.

1.1.2.1 Le raccord regard

C'est une variété très particulière du champ-contrechamp. L'axe de prise de vue du second plan est le regard d'un personnage montré au premier plan. On voit dans le deuxième plan ce qu'on a vu la personne regarder dans le premier. La particularité de ce raccord tient au fait que, alors que dans le champ-contrechamp les deux plans raccordés sont à égalité, dans le raccord regard l'un régit l'autre.

S'il est un film qui illustre le raccord regard, c'est bien Fenêtre sur Cour
d'Alfred Hitchcock. Le reporter-photographe immobilisé observe
la vie de son immeuble à travers sa fenêtre.
Les mouvements qu'il effectue situent l'emplacement de ce qu'il regarde.

Othello d'Orson Welles commence par une série de raccords regard.

Voici, tiré de Mon Oncle d'Amérique, un raccord regard en mouvement.

Inversion : Alors que dans le raccord regard habituel, le regard précède le regardé, ici on a d'abord ce qui est vu, puis le regard qui l'a vu. C'est ce que les Américains nomment « reaction shot ». Voici un exemple tiré de Fenêtre sur Cour d'Hitchcock (les plans qui suivent immédaitement ceux présentés ci-dessus)  : après que l'homme a entraîné sa jeune femme au dehors, nous voyons l'air intrigué, voire inquiet, de James Stewart, mais une fois que le jeune marié est rentré en portant son épouse dans les bras, le photographe, qui a reconnu la tradition, est soulagé.