A l’automne 1948, les mineurs français se mettent en grève, un mouvement qui durera près de deux mois et se soldera par un échec total : aucune revendication satisfaite (pouvoir d’achat, conditions de travail, dignité professionnelle), répression très brutale (tirs à balle, grenades, automitrailleuses et même chars, six ouvriers tués, des centaines blessés, licenciements par milliers, mille peines de prison ferme). Ce mouvement, pourtant très général à l’époque (300 000 grévistes), est depuis l’objet d’une sorte d’amnésie nationale.
En 2011, des historiens stéphanois amis se sont penchés sur les événements qui se sont produits dans la Loire, ont concerné 22 000 mineurs et se sont soldés par deux morts lorsque les grévistes, les 21 et 22 octobre, ont tenté de reprendre le puits Cambefort, occupé par des CRS et des soldats. Le travail des historiens portait plus précisément sur la couverture photographique de ces grèves par un reporter, Léon Leponce, dont les images sont conservées aux Archives Municipales de Saint-Étienne.
Voici, pour donner une idée, quelques images de la seconde journée, extraites d’un film de Louis Daquin, 1948 La Grande Lutte des Mineurs.
Quelques autres images d'actualité, parfois les mêmes, mais colorisées, tirées du documentaire d'Emmanuel Blanchard (2015), Après la Guerre, la guerre continue.
J’ai lu l’ouvrage des historiens, 1948 : Les Mineurs stéphanois en grève, mais sans prêter attention aux lieux où se sont, dans l’agglomération stéphanoise, déroulés ces événements. Ce n’est que lors d’une de leurs conférences que j’ai pris conscience que l’épisode le plus dramatique, qui a coûté la vie à deux mineurs, s’est produit non loin de là où je vis, sur le territoire de ma commune, à l’autre bout de la route que je prends tous les jours pour rentrer chez moi.
Cela m’a secoué, et j’ai ressenti la nécessité de faire un travail photographique à ce sujet. Il m’a tout de suite paru évident que la base devait être une prise de vue aux endroits mêmes des photos de Leponce. Mais pour en faire quoi ? Un avant-après ? Intéressant si les lieux sont le sujet ; mais pas ici où comptent d’abord les événements. Et comme je pense profondément que le passé est toujours présent comme fantôme et que tous les lieux sont marqués de ce qui s’y est passé…
Alors voilà. Six photos.