Le XVIIIe siècle

Cette période, qui s'étend
grossièrement de 1715 à 1815, inclut donc la
Régence, les règnes de Louis XV, Louis XVI.
Elle est généralement nommée
« le Siècle des
Lumières ». Il s'agit d'une époque
de grande sociabilité où fleurissent les
cafés, les clubs littéraires, où
l'esprit est une valeur sociale essentielle et où la
conversation devient un art.
1 - LES PHILOSOPHES
Nombreux furent les écrivains qui ne se
contentèrent pas de raconter des histoires ou
d'exprimer leurs sentiments. Ils voulurent aussi
réfléchir librement et transformer la
société pour la rendre plus juste et plus
raisonnable. Leur combat prépara la Révolution
française (1789-1799), qu'ils n'ont pourtant ni
souhaitée ni prévue.
Charles de MONTESQUIEU (1689-1755) écrit en 1721
les Lettres Persanes, où il imagine que deux Persans visitent
la France ; il utilise ce procédé littéraire pour
critiquer le gouvernement et les moeurs du pays. Mais c'est avant tout
un juriste : dans De l'Esprit des Lois (1748), il fonde la théorie
politique et jette les bases de la démocratie moderne.
VOLTAIRE (François-Marie Arouet ;
1694-1778) est un auteur complet, puisqu'il publia des
poèmes (Le Mondain), des tragédies
(Zaïre), des contes (Candide), des
essais. Il incarne l'esprit de liberté en lutte
contre tous les obscurantismes et les intolérances.
Il fut aidé de son esprit mordant et ironique. Dans
les faits il fut homme d'affaires avisé autant
qu'écrivain prolifique et fonda une cité
industrielle et agricole prospère à Ferney
dans l'Ain.
Denis DIDEROT (1713-1784) fut lui aussi auteur
d'ouvrages extrêmement divers, depuis des
récits/dialogues philosophiques assez immoraux (Le Neveu de Rameau, Jacques
le Fataliste et son Maître), jusqu'à des
essais philosophiques d'une grande hardiesse où il
envisage une explication purement matérialiste du
monde (Lettre sur les aveugles, De
l'interprétation de la Nature). Très
lucide, c'est un homme plein de contradictions, qui pose
plus de questions qu'il n'apporte de réponses.
Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) mène
une vie de vagabondage avant d'arriver à Paris. Il
croit plus en la bonté naturelle de l'homme qu'aux
progrès de la civilisation. Il exprime ces
idées paradoxales dans le Discours sur l'origine
de l'inégalité et dans Le Contrat
social. Premier autobiographe, il raconte sa vie dans les Confessions et
dans les Rêveries du Promeneur solitaire.
On ne peut non plus oublier d'autres auteurs moins connus
qui oeuvrèrent dans le même sens : Pierre BAYLE (1647-1706)
et FONTENELLE (1657-1757) qui furent, au siècle précédent,
les précurseurs de cet état d'esprit ; ou HELVÉTIUS
(1715-1771), d'HOLBACH (1723-1789), LA METTRIE (1709-1751), CONDORCET
(1743-1794).
La grande oeuvre du « parti philosophique »
est l'ENCYCLOPÉDIE ou Dictionnaire raisonné des sciences,
des arts et des métiers. Il s'agit d'un ouvrage de vulgarisation
philosophique, technique et scientifique à laquelle collaborèrent
de nombreux esprits éclairés de l'époque. De 1751
à 1772, sous la direction de d'ALEMBERT (1717-1783) et de Diderot
parurent dix-sept volumes de texte et onze volumes de planches. Par prudence
les grands articles défendent les idées traditionnelles ;
mais un système de renvois permet aux philosophes d'exprimer leur
véritable pensée.
On peut également rattacher aux Philosophes un dramaturge
comme BEAUMARCHAIS (1732-1799). Homme d'affaires, aventurier, trafiquant
d'armes, il écrivit, entre autres oeuvres, deux pièces,
Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro. Il
y attaque la noblesse avec esprit et mordant (« Aux qualités
qu'on exige d'un domestique, connaissez-vous beaucoup de maîtres
qui soient dignes d'être valets ? »)
Les Philosophes rencontrèrent une
opposition forte, entre autres de la part de l'Église
et du pouvoir royal. Parmi les écrivains
FRÉRON (1718-1776) et Jean-Jacques LEFRANC de
POMPIGNAN (1709-1784) tentèrent de s'opposer à
eux.
2 - LES AUTRES ÉCRIVAINS
Ce siècle, où l'on cultive la
raison, ne compte pas de grands poètes ; tout au plus
peut-on retenir le nom d'André CHÉNIER
(1762-1794), guillotiné pendant la Révolution,
aux derniers jours de la Terreur.
Le duc de SAINT-SIMON (1675-1755) se fait, dans
un style en même temps sec et très
évocateur, le mémorialiste des
dernières années du règne de Louis XIV.
VAUVENARGUES (1715-1747) et CHAMFORT (1745-1794) sont deux
moralistes de l'époque.
MARIVAUX (1688-1763) est un dramaturge et romancier. Ses
pièces mettent en scène des relations amoureuses très
subtiles, où les faux-semblants révèlent la vérité
des êtres (Le Jeu de l'Amour et du Hasard, La double Inconstance).
Alain René LESAGE (1668-1747) écrit aussi bien des comédies
(Turcaret ou Le financier) que des romans picaresques (Le Diable
boiteux, Histoire de Gil Blas de Santillane). Jacques CAZOTTE (1719-1792)
est l'auteur, avec Le Diable amoureux, de l'un des premiers romans
fantastiques. L'abbé PRÉVOST (1697-1763) est surtout célèbre
pour l'Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut et
BERNARDIN de SAINT-PIERRE (1737-1814) pour Paul et Virginie, un
roman rousseauiste. CHODERLOS de LACLOS (1741-1803 ; Les Liaisons
dangereuses), RESTIF de la BRETONNE (1734-1806) et le Marquis de SADE
(1740-1814) poussent le libertinage jusqu'à ses plus extrêmes
conséquences.
Les années de la Révolution et de l'Empire
constituent une sorte de désert littéraire. Aucune oeuvre
majeure ne date de ces périodes historiquement pleines de bruit
et de fureur, si l'on excepte celle de Chateaubriand, qui pose les bases
du romantisme.
3 - LES LUMIÈRES EN EUROPE
Les Philosophes français ont beaucoup
voyagé en Europe. Ils n'étaient pas
isolés, mais dans tous les pays leurs idées
rencontraient l'écho de nombreux intellectuels.
3.1 - En Allemagne
L'AUFKLÄRUNG [le terme évoque aussi
la lumière] est la branche allemande du courant
rationaliste européen. Ses représentants les
plus connus sont Gothold Ephraim LESSING (philosophe,
dramaturge et critique, 1729-1781) et Christoph Marin
WIELAND (poète et romancier, 1733-1813). Le
philosophe Emmanuel KANT (1724-1804) résume
l'essentiel des idées du mouvement dans son opuscule
Qu'est-ce que les Lumières ?
Plusieurs Philosophes et scientifiques français sont
par ailleurs invités à la cour du roi de Prusse, Frédéric II
(La Mettrie, Maupertuis, et Voltaire, qui eut avec le souverain une longue
amitié orageuse).
3.2 En Angleterre (The Enlightment)
Les Philosophes (en particulier Voltaire et
Montesquieu) étaient très anglophiles,
c'est-à-dire qu'ils avaient une grande admiration
pour la société et la civilisation anglaise,
qui leur paraissait plus libérale et plus moderne que
la française.
Les idées du philosophe John LOCKE
(1632-1704), qui essayait de décrire avec la plus
grande précision le fonctionnement de l'esprit
humain, eurent une grande influence dans toute l'Europe.
Voltaire professait une grande admiration pour
le poète-philosophe Alexander POPE (Essais
moraux & Essai sur l'Homme, 1688-1744).
Jonathan SWIFT, écrivain irlandais
(1667-1745), est surtout connu pour Les Voyages de
Gulliver. La plupart de ses oeuvres sont des pamphlets,
plus ou moins violents. Gulliver même est loin
de n'être que le livre pour enfants auquel on le
réduit, il s'agit d'une violente critique de la
société et, plus généralement,
de la bêtise humaine.
3.3 Ailleurs
En ITALIE le juriste Cesare BECCARIA (1738-1794)
remet en cause dans son Traité des délits et des peines
les formes institutionnelles de la Justice et du pouvoir, dont il dénonce
les erreurs et les iniquités ; il réclame l'abolition
de la torture et de la peine de mort, et eut une influence déterminante
sur la réforme du droit pénal en Europe ; il
considére les châtiments non comme une punition de l'individu
mais comme une réaction de la société pour sa propre
défense.
En RUSSIE, la tsarine Catherine II noue une longue
amitié avec Diderot. Il lui rend visite en 1773 et elle lui achète
sa bibliothèque afin de lui assurer un revenu, mais lui en laisse
l'usage.
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