LA STRUCTURE
DU VOYAGEUR SANS BAGAGE

[NOTES]

Sur deux plans : la composition (et les personnages); les différents registres.

Elément essentiel dans cette structure, & à définir en tant que tel: le statut de la fin.

1) LES PERSONNAGES ET LA COMPOSITION

A) LES PERSONNAGES

Classés en trois groupes:
  • la duchesse et maître Huspar
  • la famille Renaud + les domestiques
  • la famille Madensale
Seul : Gaston : il est un enjeu : à quel groupe appartient-il ?

Dans chaque groupe une hiérarchie (montrer) ; et problèmes annexes au problème général dela pièce, mais dont l'identité de G-J est la cause et la clé (Valentine, mère) En aucun cas aucun personage ne s'intéresse à G pour lui-même (sauf peut-être Georges au tableau 5; mais ce n'est pas sûr, il s'agit peut-être d'une astuce pour le faire rester).

B) LA COMPOSITION DE LA PIÈCE

Divisée en 5 tableaux, et non pas en actes.

Pourquoi?

Parce que plus grande souplesse.

Des actes doivent être à peu près égaux (ici tableaux vont de 1 page/1 minute --> 4 à 40 pages/30´ ——> 3). c'est pour la même raison qu'il n'y a pas de scène. Ainsi le passage d'un moment à l'aute est plus coulé.

Cela lui permet aussi de montrer alternativement des actions qui se passent simultanément (Tableau 2 & début tableau 3: la photo) ==> mise en valeur du rôle du regard.

Normalement un tableau est la subdivision d'un acte marqué par un changement de décor (5 actes et 15 tableaux). Ici, c'est plutôt un acte. En effet nous retrouvons à peu près dans cette pièce la composition de la tragédie ou de la comédie classique.

Tableau 1: exposition. A nous présente les personnages (sauf les domestiques; et encore maître d'hôtel présent) et la situation. On ne sait pas tout, mais on comprend qu'il y a quelque chose de pas clair dans la famille.

Ensuite: le nœud de l'action, dans le tableau 2 & le début du 3 (jusqu'à la malle): on apprend qui était Jacques et on voit qu'à Gaston se pose le problème d'endosser ou non ce passé. C'est là que l'action se noue et que le problème se pose. C'est cette partie que dans les pièces clasiques on nomme les “obstacles” (père qui ne veut pas marier sa fille à celui qu'elle aime —> Molière; amour non partagé —> Phèdre, Andromaque; Guerrier qui doit combattre l'amant de sa sœur —> Horace )

Tableaux 3, 4 & 5 (juqu'à la sortie de Valentine): le nœud de l'action, mais cette fois ce qu'on appelle “les péripéties”, c'est-à-dire tout ce que les personnages font pour surmonter les obstacles. Les différentes entrevues de G avec la famille.

Tableau 5 (avec le petit garçon): le dénouement, c-à-d le moment où les obstacles sont levés (dans la comédie) ou au contraire où ils triomphent du héros (dans la tragédie).

Ici se pose le problème de la fin. Cette pièce n'a en effet pas un dénouement, mais deux : le premier page 104. Après la discussion avec Valentine, Gaston conclut : il ne me reste pas le plus petit espoir: vous avez joué votre rôle. Il brise le miroir, va s'asseoir sur le lit, la tête dans les mains. Puis un instant de silence. Belle image de fin. Puis notation de la musique paradoxale, arrivée du petit garçon, et deuxième dénouement, avec le petit garçon, qui lui permet d'échapper.

Par rapport à cette composition, semblable à celle de la dramaturgie classique, on peut en noter une autre, fondée sur un jeu de symétrie

Début du tableau I <—————————> fin du tableau V (introduction de G dans la famile Renaud, sortie de G de la famille Renaud, les Reanud sont absents)

Tableau II <—————————> tableau IV (les domestiques)

Fin du tableau I <———> Tableau III <———> début du tableau V - Confrontations - dans les deux derniers cas, une sorte de ronde autour de Gaston:

    • objets (la malle, les animaux)
    • domestiques (Juliette, le maître d'hôtel)
    • la famille [3 ——> mère, Georges, Valentine] [5 ——> mère (cachée), Georges, Valentine (tjs ds le même ordre)]

ENTRÉE

CONFRONTATION

DOMESTIQUES

CONFRONTATION

DOMESTIQUES

CONFRONTATION

SORTIE

Disymétrie : le paroxysme de la tension se trouve à la fin de la dernière confrontation.

2) LES DIFFÉRENTS REGISTRES

A) ROMANESQUE

Chacun des personnages a une vision romanesque (récit caractérisé par deux éléments : importance exagérée des sentiments, péripéties extraordinaires) des événements:
  • Gaston: à propos de l'ami: p. 52
  • La duchesse: p. 31; p. 25; p. 20
  • Valentine: la statue et le banc (p. 32-33); le déguisement en lingère (La duchesse, quand on le lui raconte: Comme c'est romanesque, p. 27);
  • Mme Renaud: insistance sur son rôle social de mère semble sortir de roman également (p. 30, p. 70), d'autant plus qu'elle n'en a pas du tout les sentiments; L'épouse d'un frère, c'est presque une sœur (p. 30)
  • Juliette: C'est dur, allez, pour une femme, de se sentir bafouée dans son douloureux amour (p. 55); la boire jusqu'à la lie, allez, cette atroce douleur de l'amante outragée (p. 57) ——> en même temps élément comique: langage populaire allez ; Braille dans ses larmes p. 54: elle se prend pour un personnage de roman; Livre Violée le soir de son mariage (genre Harlequin)
  • la fin avec le petit garçon.

B) RÉALISME

Mais en même temps nombre d'éléments réalistes :
  • les objets (la malle, les animaux empaillés)
  • les réactions des personnages (la duchesse devant les fourrures des animaux empaillés: en faire des manteaux p. 88.)
  • et bien évidemment les récits à propos de Jacques : la tentative de meurtre sur son ami ——> Zola ou Maupassant)
En fait les personnages passent brusquement d'un registre à l'autre (ex. la duchesse justement, p. 88) Le romanesque n'est qu'un genre qu'il se donne, un masque; les intérêts qu'ils ont sont d'un tout autre ordre. (argent, passion égoïste, la réussite du neveu, etc.)

Tout ce qui est romanesque est faux.

C) COMIQUE

Nombreux éléments comiques dans la pièce:
  • justement le passage d'un registre à l'autre, très brutalement
  • les réactions outrées de Juliette
  • la peur du maître d'hôtel p. 99
La fin, même, ressemble aux fins des pièces de Molière. elles devraient mal se terminer, mais intervention improbable, miraculeuse qui sauve tout (Les fourberies, l'Avare, Tartuffe ) ici, c'est le petit garçon.

D) TRAGIQUE

Cependant pièce noire

On trouve d'ailleurs dans la structure de la pièce, des éléments de la tragédie : les domestiques qui jouent le rôle du chœur dans la tragédie grecque, et qui s'intercalent entre les moments importants.

Comme chez Molière, la fin heureuse, le happy end, semble tellement improbable que l'on n’y croit pas. Encore moins chez Anouilh, car il se redouble de tricherie. Comme Molière (dépressif 1664-1673), Anouilh est très pessimiste. En fait ses héros, comme ceux de Molière sont dominés par leur destin. Ils ne peuvent pas y échapper.

Anoulh nous a bien montré qaue tout ce quie st romanesque est faux. Or le petit garçon est un élément romanesque. En fait il est possible que le premier dénouement soit le vrai ; on peut même considérer que le second est un rêve que fait Gaston la tête dans les mains (relire la didascalie, chaque mot compte, et en particulier les déterminants possessifs).

CONCLUSION

La structure montre bien pourquoi Anouilh, malgré la fin optimiste, l'a classée parmi les pièces noires Ça se termine très mal. c'est une tragédie. La fin avec le petit garçon n'est peut-être qu'un rêve (comme dans le film Le champion, ou les Neiges du Kilimandjaro) Anouilh nous en prévient en mettant en place un double dénouement & en détruisant par avance la crédibilité des éléments romanesques.