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J’ai devant moi vingt-quatre fragments de papier. Étalés sur une table.
Ils sont découpés régulièrement, apparemment au cutter.
Le papier est assez fort, plus que du papier machine en tout cas. Environ 160g/m2. Un papier à dessin genre Canson C à grain.
Il y a là vingt fragments rectangulaires, douze petits et huit plus grands ; et quatre carrés ou à peu près. Les plus petits morceaux rectangulaires font environ cent vingt-quatre millimètres sur soixante-quatre, plus ou moins un demi-millimètre. Les plus grands sont plus proches du carré, environ cent trente-cinq millimètres par cent seize, toujours avec un petit flottement, un peu plus important (en proportion ?). Les carrés font en gros quatre-vingt-quatorze de côté.
Sur le côté le plus lisse du papier, de l’écriture. Une écriture non pas ordonnée, mais confuse. C’est écrit en petit et en gros, dans un sens et dans l’autre, je veux dire aussi bien tête-bêche qu’à quatre-vingt-dix degrés.
Il s’agit manifestement de calligraphie contemporaine. On reconnaît diverses mains, des chancelières plus ou moins gestuelles, des humanistiques, des bribes de gothiques (fraktur ?).
En ce qui concerne les médiums, les choses sont plus simples : deux semblent se partager le papier : une encre noire plus ou moins diluée jusqu’à un gris moyen, et une gouache blanche.
Les outils sont ceux du calligraphe d’aujourd’hui : plumes métalliques, tire-ligne, cola pen (une plume découpée en triangle dans une boîte de coca ou de bière, repliée et enfilée sur un manche en bois, ça vibre terrible), peut-être un Automatic Pen très large ou une planchette de bois peu épaisse.
Sur certains fragments l’artiste a oublié de gommer le bâti au crayon à papier. Peut-être d’ailleurs ne s’agit-il pas d’une omission ; il est probable au contraire que cela participe du projet de confusion généralisée dont l’ensemble semble ressortir.