17

Aujourd’hui le saint-Thomas d’Aquin a prouvé l’existence de Dieu. Et moi j’ai mal jusque dans le petit orteil gauche.

Commençons par dire qu’une preuve de l’existence de Dieu ne saurait être d’ordre mathématique. Bon disons que ça va de soi, même s’il nous faut quelques dizaines de pages pour le démontrer clairement. Bien clairement. Jusque-là, ça va. La plume grince allègrement sur le parchemin. Petite tension dans la pince des doigts. Sans plus.

Mais Dieu n’est pas non plus susceptible d’une vérification expérimentale. Voyez-vous. Il est à la fois dans le monde et en dehors. Vingt vingt-cinq pages encore. Paume de la main crispée.

Vous commencerez à avoir une idée de la difficulté quand vous saurez que non seulement l’essence de Dieu excède notre connaissance, mais nous n’en possédons même pas un savoir inné. Juste un élan, si vous voulez, une relation implicite qui contient le terme visé sans que ce terme soit exactement identifié. Vous croyez ça, vous, une relation implicite qui contient le terme visé sans que ce terme soit exactement identifié ? Mon poignet s’en souvient, lui, et là vous pouvez me croire.

En bref, la preuve a pour point de départ l’existence de réalités finies, et pour principe l’inférence causale, avec son corollaire : la non-régression à l’infini, mais encore et surtout que le principe de causalité, qui anime la preuve, est inscrit dans l’existence des réalités finies, qui est le point d’attache de la preuve. Je ne discute pas, je copie, mais ça a commencé à remonter dans le coude, et quand j’ai su que l’existence d’une cause première était autant requise par l’existence de la causalité empirique qu’elle la requérait, ça n’a pas été long à atteindre l’épaule.

Si je comprends bien (mais bien sûr personne ne me demande de comprendre), Dieu existe puisque le monde existe, et le monde existe parce que Dieu est. C’est la colonne vertébrale du raisonnement ; la mienne en est restée un peu bloquée.

Par suite la meilleure idée que nous puissions avoir de Dieu est qu’il y aura toujours une distance infinie entre Lui et notre idée de Lui. Il reste un mystère pour la raison au moment même où son existence est reconnue parce qu’elle ne peut discerner la nécessité de L’affirmer qu’en avouant son incapacité à Le définir. Avez-vous déjà ressenti dans votre bassin une raideur pareille ?

Finalement Dieu est Dieu, puisqu’il peut être affirmé mais pas représenté. Visé mais non vu. Qu'il est toujours reconnu et inconnu. Mes jambes ! Mes jambes ! Mes jambes !

Dieu existe. Alléluia ! Tu parles !

Je veux un pote, une pinte, une pute.