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Lire l’autre.

Lire autrui.

C’est comme ça. Toujours l’impression que ça ne va pas. Moi-même bien sûr je suis parfaitement organisé. Rationnel. Chaque action s’intègre dans l’ensemble de ma propre existence en une sorte de perfection structurante. Toute démarche vient remplir un creux, un vide, lequel n’existait que pour pouvoir être comblé. Voilà comment je vis. Voilà comment j'existe, moi. Parce que je sais. Et c’est tout.

Mais les autres. Alors là les autres ! Incompréhensibles. Toujours en pleine contradiction. Ils sont comme ça un jour, comme ci le lendemain. Quand ça ne change pas d’une minute à l’autre.

D’abord ils sont opaques les autres. Opaques, on n’y voit rien. Moi je suis transparent. Chaque chose que je réalise m’apparaît dans l’évidence même de son exécution. Limpide je suis. Clair, pur. Absolument intelligible. Mais les autres on ne sait jamais pourquoi ils font ce qu’ils font, on ne sait même pas ce qu’ils pensent. Ce qu’ils ressentent. Ni même s’ils pensent ou ressentent quelque chose. On ne voit rien à travers leur crâne, mais c’est aussi peut-être parce qu’il n’y a rien à voir.

Et puis, encore une fois, ils ne sont pas logiques. En voilà un qui jure fidélité à sa femme, mais qui dans le même temps ne renonce pas à voir sa maîtresse. Et un autre construit une maison mais ne l’habite pas. Le troisième dit aimer le soleil et passe ses vacances au Groenland.

Moi je suis rationnel. Moi. Je ne dis pas que je ne passe pas mes vacances ailleurs, ça peut arriver ; mais j’ai une bonne raison. Logique. Et puis je ne peux pas habiter toutes mes maisons. Les autres ça n'est pas pareil, on ne peut pas les déchiffrer.