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Tu resteras pour toujours le souvenir d’une main s’agitant à l’angle d’un balcon tandis que je tourne au coin d’une autre rue en faisant semblant de ne pas regarder.

Pourtant j’ai vu ton corps entier dans la lumière de cet après-midi de février. Au repos et en mouvement. Chaque détail, et mes doigts en ont suivi les lignes, et mes yeux en ont caressé les lignes. Mais seule me demeure cette main, que je ne saurais dessiner mais dont me sont toujours présents physiquement les longs doigts fuselés, l’amande des ongles, leur pression sur mon dos.

Qu’est-ce qui restera dans ma mémoire de chacune d'entre vous ? L’aigu d’une langue forçant d’un coup ma bouche comme une pointe de flèche ; le vert d’yeux que je n’ai remarqué qu’en les croisant pour la dernière fois ; un rire parfois ; une touche de mauve sous les paupières, fatigue et non make-up ; un gros bracelet plat, cuivre et laiton, presque étrusque ; les cheveux en boule afro d’une petite ripagérienne ; une odeur de musc, animale, naissant de la peau même ; des doigts froissant mon tee-shirt à l’épaule ; un nez débusqué ; la fraîcheur d’un ventre qui frémit.

Mais de toi, si pleine, si entière, si fêlée, dont la voix au téléphone me faisait bander (je m’en souviens comme d’un fait mais je ne l’entends plus), dont les colères ne me touchaient pas, qui fut la seule à prononcer mon nom dans un souffle, avec qui j’ai rompu douze fois), toi qui me demandais de transporter tes miroirs.

De toi juste ça.

Une petite main coupée ras au coin des yeux.